Maison forte de Panelier résidence d'Albert Camus
©Maison forte de Panelier - demeure privée qui se visite pour les journées du Patrimoine - où a séjourné Albert Camus|jean marc vidal

Albert Camus Ses séjours sur le Plateau

« J’ai lié une intrigue avec ce pays, c’est-à-dire que j’ai des raisons de l’aimer et des raisons de le détester »

Albert Camus. Carnets II, 15 janvier 1943.

 Partons, chers visiteurs, à la rencontre d’Albert Camus

Quittons le Chambon-sur-Lignon par la D151, par le hameau de la Bourghea et traversons ensemble le petit pont sur la Ligne où Camus prenait plaisir en bleu de travail à taquiner la truite. A Moulin, tournons à droite. S’ouvre à nous ce chemin bordé de hêtres centenaires jusqu’au domaine de Panelier dont les murs restaurés, la tour le portail à créneaux ont fort belle allure !

Camus arrive à la fin de l’été 1942 à la pension du Panelier au Mazet-Saint-Voy que tient Sarah Oettly, une parente de sa femme Francine. Atteint de tuberculose en 1931, Francine lui conseille l’air frais et pur de moyenne montagne afin d’échapper à « la fournaise » d’Oran.

« Je t’écris un mot seulement pour te donner de mes nouvelles et mon adresse. Nous avons atterri en pleine montagne dans une ferme fortifiée isolée, ici bon ravitaillement, beaucoup d’arbres »
31-08-1942. Albert Camus à Emmanuel Roblès, un ami écrivain qui vit en Algérie.

Août 1942 :« Avant le lever du soleil, au-dessus des hautes collines, les sapins ne se distinguent pas des ondulations qui les soutiennent… Sur le fond à peine décoloré du ciel, on dirait une armée de sauvages empennés surgissant de derrière la colline. A mesure que le soleil monte et que le ciel s’éclaire, les sapins grandissent et l’armée barbare semble progresser… Puis, quand le soleil est assez haut, il éclaire d’un coup les sapins qui dévalent le flanc des montagnes ». Carnets II

 « Ici l’automne est très beau … mais je ne pourrai pas passer l’hiver » 22 septembre 1942 Albert Camus

Automne 42, il envoie à Pascal Pia, directeur du journal Combat, un paquet avec ce petit mot : « Je vous envoie aujourd’hui 1,5 kg de champignons secs qui feront votre hiver. Dites à votre femme de faire tremper ceux qui sont dans la petite boîte cylindrique, ils portent des lamelles qui retiennent par ce moyen une quantité considérable de poussières … les autres au contraire sont d’honnêtes bolets … ».

Fin décembre, une première ébauche de la Peste est à peu près achevée au Panelier mais elle est « moche » écrit Camus ! Elle ne paraîtra finalement qu’en 1947. « Je veux exprimer au moyen de la Peste l’étouffement dont nous avons souffert et l’atmosphère de menace et d’exil dans laquelle nous avons vécu ».

Pensant rentrer en Algérie en novembre 42, c’est hélas la fin de la zone libre et le débarquement des alliés en Afrique du Nord qui l’empêchent de quitter le Plateau, il écrit « comme des rats ! ».

En 1943, c’est « Le Malentendu », une pièce de théâtre qui porte « les couleurs de l’exil » ainsi que la première ébauche de « l’Homme révolté ».

 Des correspondances et des rencontres…

Camus échange longuement par lettres avec Jean Grenier, plus de 230 lettres. Camus se confie à lui, sur sa douleur physique, sa solitude, ses projets d’écriture … puis avec son ami Pascal Pia. L’amitié des deux hommes date d’Alger lorsqu’ils étaient journalistes. Pia travaille à Paris Soir, il est replié à Clermont et c’est bien lui qui l’aidera à faire publier chez Gallimard « L’Etranger » et « Le Mythe de Sisyphe ». Puis c’est Francis Ponge au Chambon qui lui confie une copie dactylographiée du « Carnet du bois de pins ! ». Suivront sa rencontre avec André Chouraqui qui réside à Chaumargeais à Tence dans la maison prêtée par le docteur Héritier puis avec un curieux dominicain le père Raymond Bruckberger, écrivain, journaliste, aumônier de la Résistance. Brucke dit du Plateau « ce nid d’aigle de huguenots qui était aussi un nid de résistance ! »

 « C’était, comme on dit chez nous, un brave homme » Amélie, la ménagère de la pension.

C’est avec beaucoup d’émotion et d’amitié pour ce pays qu’Albert Camus reviendra plusieurs fois passant ses vacances de septembre en famille dans la villa le Platane, côte de Molle au Chambon-sur-Lignon.

Un petit fascicule sur les séjours de Camus en terre Vellave est disponible à la lecture à l’office de tourisme.